Le rôle du notaire dans le transfert de propriété aux héritiers

Dans cet article, nous présentons les différents modes de transfert de propriété aux héritiers lors d’une succession.

Le transfert des biens est opéré différemment selon la situation des héritiers face au défunt et leur situation face à certains autres héritiers. C’est la distinction faite entre les héritiers saisis ou non saisis.

L’exercice des droits dont le de cujus (terme désignant le défunt) était titulaire sans formalité et sans investiture est la situation la plus habituelle. La saisine est conférée par la loi. Elle est considérée comme une habilitation légale. Mais ce pouvoir d’appréhender les biens peut également être subordonné à une formalité judiciaire. L’héritier, dans ce cas, doit être envoyé en possession.

Ces deux modes d’investiture s’appliquent indifféremment aux successions ab intestat (il s’agit du terme définissant une succession sans que le défunt ait fait un testament ou une disposition dite « à cause de mort ») ou aux successions testamentaires.

Qu’est-ce qu’une saisine dans une succession?

Il n’existe pas de définition légale de la saisine si ce n’est par ses effets. L’héritier saisi acquiert automatiquement le droit d’exercer les droits et actions du défunt :

  • il est le successeur qui appréhende les biens héréditaires, sans aucune formalité. Dès l’ouverture de la succession, il a le droit d’en percevoir les revenus et de les gérer, sauf cas d’apposition des scellés ;
  • il est le successeur qui est substitué de plein droit au de cujus dans ses actions en justice.

À l’opposé, l’héritier non saisi ne peut appréhender les biens héréditaires qu’en effectuant une formalité qui consiste à s’adresser aux héritiers saisis pour leur demander délivrance de son legs.

Quels sont les héritiers saisis?

Les bénéficiaires de la saisine sont définis :

  • par l’article 724 du code civil, comme les héritiers ab intestat. La nouvelle rédaction du texte englobe à l’évidence désormais le conjoint survivant (Cass. 1re civ., 3 févr. 2004, no 02-19.077;
  • par les articles 1004 et 1006 du Code civil qui disposent que le seul successeur testamentaire auquel la saisine est attribuée est le légataire universel qui n’est en concours avec aucun héritier réservataire :
    • lorsqu’il a été institué par testament authentique, il a la saisine de plein droit sans formalité comme un héritier ab intestat,
    • lorsqu’il a été institué par testament olographe ou mystique, bien que saisi, il doit demander son envoi en possession ; les formalités d’envoi en possession ont été modifiées par la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe. Les nouvelles dispositions sont applicables à compter du 1er novembre 2017. Le recours au tribunal est désormais l’exception, cette procédure n’existant que si dans le délai d’un mois du dépôt du testament au greffe du tribunal judiciaire, un « intéressé » s’oppose à l’exercice de ses droits par le légataire universel

Le cas particulier du légataire universel : les attributions des notaires.

Cependant, en ce qui concerne le légataire universel, est attribuée au notaire la tâche de contrôler les conditions de la saisine de ce légataire, à savoir sa vocation universelle et l’absence d’héritiers réservataires.

Cette mission entre dans le cadre des formalités liées au dépôt du testament qu’il était déjà tenu d’accomplir et qui lui incombe naturellement puisqu’elle implique des vérifications sur la base d’actes dressés par lui-même, en particulier l’acte notarié de notoriété, qui constate l’absence d’héritiers réservataires.

Quelles sont les formalités nécessaires lors d’un acte de saisine?

La saisine ne nécessite aucune formalité.

Afin d’assurer l’information des intéressés, l’article 1378-1 du Code de procédure civile prévoit que dans les quinze jours suivant l’établissement du procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, visé à l’article 1007 du Code civil, le notaire fait procéder, aux frais du légataire universel, à l’insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal d’annonces légales diffusé dans le ressort du tribunal compétent d’un avis comprenant le nom du défunt, le nom et les coordonnées du notaire chargé de la succession ainsi que l’existence d’un legs universel.

Il est ensuite offert à tout intéressé une voie d’opposition à l’exercice de ses droits par le légataire.

Le nouvel article 1007 du Code civil supprime le caractère systématique du recours au juge, en le limitant au cas d’opposition des tiers intéressés à l’exercice de sa saisine par le légataire.
Cette opposition doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la réception du procès-verbal et de la copie du testament par le greffe du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession en vue de leur dépôt au rang de ses minutes.

Tout intéressé, informé de l’existence d’un legs par le biais des publications, nationale et locale, peut alors former opposition auprès du notaire chargé de la succession, dont les coordonnées figurent sur l’avis de publicité, ce qui a pour effet immédiat de bloquer la saisine du légataire universel.

Ce dernier devra alors solliciter du juge un envoi en possession pour pouvoir appréhender les biens légués.

Le juge, saisi du fait de l’existence d’un conflit, n’est tenu de se prononcer que sur la régularité apparente du testament (en particulier concernant sa date, son écriture, ou encore sa signature) et non plus, comme auparavant, sur les conditions de la saisine et la vocation universelle du légataire. Ce contrôle, qui repose essentiellement sur des documents fournis par le notaire porte ainsi exclusivement sur l’apparence du titre au regard des éléments transmis par le notaire.

Le juge statue par une ordonnance mise au bas de cette requête. En cas de refus de sa part, le légataire dispose d’un recours en appel dans le délai de quinze jours, conformément aux dispositions de l’article 496 du Code de procédure civile.

Il est en effet important que le tiers démontre un intérêt légitime pour se voir communiquer le testament, ce que la simple opposition entre les mains du notaire ne suffit pas à établir.

L’ensemble de ces dispositions créent un droit de saisine de plein droit du légataire universel à l’expiration du délai d’opposition, soit au plus tard un mois après la publication de l’avis au BODACC et dans un journal local d’annonces légales, alors sans autre formalité.

Par Jean-Jacques EyrollesNotaire à Aix-en-Provence

Publié sur https://eyrolles-andre-aixenprovence.notaires.fr/le-role-du-notaire-dans-le-transfert-de-propriete-aux-heritiers/

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